Uni(s)vers la Lumière – Poème “Un soleil dans la nuit”
Le poème qui suit s’inspire, en italique, des vers de Soleil de Nuit de Jacques Prévert[1].
Le reste est une composition personnelle d’Emma Scali créée pour Uni(s)vers la Lumière en résonance avec l’actualité.
Journée Internationale de la Lumière
Spectacle UnisVers la Lumière – Emma Scali
« Je hurle à la lumière avec de l’encre et du papier
le soir tard
et je crie »
Non, le monde n’est pas beau
Le monde n’est pas gentil
« chacun a sa lumière
et le monde crève de froid
Le monde a peur de se brûler les doigts
évidemment
c’est la lumière qui brille qui brûle qui fait cuire »
Les étincelles des balles qui giclent et qui éclatent
Les projectiles barbares qui ont glacé les sangs
Ce fut Charlie, le Bataclan,
Bat –Taclan
Dis-moi est-ce qu’ils t’ont eue, toi qui étais là-bas ?
Dis-moi est-ce qu’ils t’ont tu(e) ?
Moi je n’y étais pas
Et pourtant j’imagine…
Et pourtant je te vois
Je te vois qui te serre dans cette foule sombre
Dans ce parterre obscur, en marche vers ta tombe
Je te vois qui te terre,
Dans le silence qui gueule
Et ta chair qui t’est chère
Se noie dans son linceul…
Oui, je te vois. Et je t’entends.
Les mots sont des fenêtres ou bien ce sont des murs
Alors, j’écoute… j’écoute…
La ville lumière
Eventrée qui murmure
Aux portes effrayées ses sinistres blessures
Et j’entends… j’entends…
J’entends ces maux…
Sur le fil de la vie, j’avance à reculons
Un besoin d’amnésie, pourquoi ça ne tourne pas rond ?
Tourne tourne la mort
Tombent tombent les corps
L’absurdité du monde
Est un spectacle immonde
La violence qui nous glace
Et qui nous cloue
Sur place
Le chaos de nos guerres
L’errance de nos frères
Guerres du passé, d’antant
Guerres du présent maintenant
Et l’obscur nous fait face.
Quand grondent les canons
Quand explosent les bombes
L’écho sonne la mort,
La douleur pour cercueil, témoin d’un triste sort.
Ils sont là par milliers étendus sur le sol
Mortellement blessés, mortellement touchés
Et nos cœurs en frissonnent.
Massacre, cruauté,
L’homme se fait indigne
Assassin, meurtrier. La torture
Qui perdure
L’esclavage qui fait rage
Les bateaux de fortune
Où s’entassent par centaines,
Hommes, femmes, enfants,
Tous innocents,
Qui à cause de la haine,
Au risque des naufrages,
S’en remettent à Neptune
S’embraquant sur la mer
Prenant ainsi le large
Dans l’espoir éphémère
D’atteindre des rivages
Où rêver semble possible encore…
Alors que faire
Pour contrer cet enfer
La folie meurtrière ?
Comment nous respecter ?
Nous rendre dignes de notre humanité ?
Voilà ce que j’entends…
Mon besoin d’innocence
Comme un cri dans la nuit
De ce qui est enfoui…
Au fond : mes rêves d’enfance
D’amour, de bienveillance.
Que faire donc ? Attendre ?
Attendre ? Non. Mettre en lumière…
Mettre en lumière pour résister.
Mettre en lumière pour ex-ister.
Pour sortir du silence
Et faire de la vie, une ex-istence.
Alors j’allume la lumière.
Je refuse et j’accuse.
Je me révolte
Je hurle ma colère,
Ma fureur et ma honte,
Je hurle à la lumière :
Regardons-nous
Regardons-nous
Dans nos ombres
Dans nos lumières
Et puis… regardons-les, eux, les autres…
Les hommes et les femmes qui marchent dans la nuit,
Pour fuir la misère, la guerre, les ruines d’un pays…
Regardons bien.
Ils portent la lumière
Une lumière vivante
La vie c’est eux
La vie vivante qui marche en avant
Et qui fait des détours
Ou qui marche tout droit
Alors je hurle à ma lumière
ce soir
« et je crie
tout de même
il y a la lumière
chacun a sa lumière »
lumière du cœur
lumière de l’amour
lueur
« Soleil de nuit
Lune de jour
Etoiles de l’après-midi
Battements de cœur avant l’amour
Pendant l’amour
Après l’amour
(…)
Oh il faut la poursuivre cette lueur aveuglante
elle existe
elle crève les yeux
(…)
c’est la lumière vivante que chacun porte en soi et que tout le monde étouffe pour faire comme tout le monde »
Oui mais le monde est là…
Un monde qui, à toi, à moi, nous tend les bras
Un monde à l’envers
Du décor
De l’ombre à la lumière
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On regarde on traverse
La vie
Qui file
Entre les doigts
Vers la mort
Qui nous dit
Amour… Amor
Sois toi
Même avec moi
Je t’aime
Aime-moi
C’est clair
Le génie
C’est pas toi
Le génie
C’est pas moi
C’est pas vous
Le génie
C’est vous + toi et moi
C’est nous tous réunis
Dans nos ombres et lumières…
Auteur : Emma Scali
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de Vincent Avanzi
Chief Poetic Officer – La Plume Du Futur
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[1] Soleil de nuit – Première parution en 1980 – Édition d’Arnaud Laster avec la collaboration de Janine Prévert – Collection Folio (n° 2087), Gallimard